directeur de la photographie

Le rôle de continuité de l’assistant opérateur

Article originellement publié dans le numéro 155 de cinemaction, “les metiers du cinéma à l’heure du numérique”

Initialement seul, l’opérateur de cinéma a bientôt été accompagné d’un réalisateur mais aussi d’une équipe technique, devenant chef opérateur. L’assistant opérateur a hérité ainsi de la tâche originelle : s’occuper de la caméra. Le métier s’est étoffé et s’est décliné au gré des évolutions technologiques, mais le soin porté aux outils a conservé une place particulière.

Il est sans doute autant de manières d’exercer le métier d’assistant opérateur qu’il ait d’opérateur. L’assistant opérateur est un accompagnant, qui travaille dans une direction donnée par le chef opérateur. On préférera d’ailleurs le terme « d’assistant opérateur » à celui « d’assistant caméra », très anglo-saxon, mais qui ne révèle que peu de sens puisque la caméra n’a pas besoin en soi d’être assistée.

Les assistants opérateurs sont hiérarchisés de manière strictement verticale. Le premier assistant porte en premier lieu la responsabilité de la mise au point, qu’il opère, manuellement, lors de chaque prise, en fonction du déplacement des comédiens et de la caméra. L’assistant opérateur a la responsabilité de l’objet caméra, de son bon fonctionnement, des optiques et des accessoires qui l’entourent, mais aussi des câbles, des écrans, etc. L’évolution des outils de prise de vue touche très concrètement le métier des assistants opérateurs, qui ont le devoir de mettre à la disposition du chef opérateur/cadreur un outil de cinéma simple et pratique.

Véritable machine à coudre de haute précision d’un côté, ordinateur de prise de vues de l’autre côté, que l’on tourne en film ou en numérique, l’objet caméra doit se faire oublier pour devenir un outil du geste cinématographique. Cet outil reste pourtant lourd et encombrant. Les trente dernières années de cinéma argentique ont conduit à un grand perfectionnement ergonomique des caméras films, dans des directions variées et pertinentes. Aaton a excellé dans la caméra portée, fabriquant ses produits avec des matériaux légers, équilibrés pour être posés sur l’épaule sans besoin d’accessoires et embarquant de petites batteries. Panavision et Arri ont notamment fait de très bonnes caméras « de studio », associées à un ensemble d’accessoires dédiés, facilitant le travail du cadreur et de l’assistant. L’arrivée des caméras de cinéma numérique a fait oublier cette question ergonomique, tant l’attention des constructeurs a été portée sur le support et la technologie de captation et d’enregistrement. Par ailleurs, les fabricants de caméras films ont négocié avec difficulté ce virage, et seul Arri a su se maintenir comme fabriquant de caméra numérique (Alexa), le reste du marché se partageant entre des constructeurs débutants dans la conception de caméra de cinéma: Sony, Red, Canon…

La recherche ergonomique en matière de caméra a donc fait un réel bond en arrière. Les assistants doivent alors faire au mieux, à présent, avec des appareils photo numériques devenus caméras, des « monstres » de plastiques et de câbles, ou des caméras devenues plus bruyantes par leur ventilation que ne l’étaient les caméras films par leur mécanique. Aussi, l’accessoirisation des caméras en vue du tournage se transforme parfois en un jeu de Lego. L’outil, quand il est mal adapté au travail, est une entrave importante dans l’exercice d’un savoir faire, pour l’assistant opérateur,l’enjeux est donc de faire le nécessaire pour permettre, malgré tout, le geste cinématographique.

Le cinéma est un constant travail d’appropriation des outils, la nouvelle donne technologique permet aussi de nouveaux gestes, et l’assistant est au premier plan de ces questions très pratiques. L’allègement et la miniaturisation des caméras font naître des images inédites. On voit se multiplier aujourd’hui les plans de drones, ou les plans à la main aidés de dispositifs de stabilisation légers.

Ce travail d’appropriation des outils passe par la responsabilité de continuité de l’assistant opérateur. Il faut maintenir les habitudes ergonomiques de l’opérateur vis- à-vis de ces outils, mais aussi conférer à la copie numérique des rushes la même préciosité qu’à la boîte de négatifs 35mm fraîchement impressionnés. La familiarité et la trivialité de l’objet disque-dur tendent à affaiblir quelque peu la valeur des rushes, fruit de la journée de travail. Il faut parfois davantage insister pour mettre en sécurité une carte mémoire, problématique qui se posait moins avec le film négatif. Pourtant si le geste change de forme, sa nature reste la même. En répétant inlassablement les mêmes tests et les mêmes préparations avant les tournages, avec une rigueur tenant presque du conservatisme, les assistants opérateurs sont un exemple de cette continuité du geste, en film comme en numérique.